Les avances de l’État, que les départements percevront, à l’automne, à hauteur de leurs pertes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), font des envieux. Jean-Luc Moudenc, président de France urbaine, a souhaité, ce 10 septembre, qu’un tel dispositif puisse, à la demande des élus concernés, couvrir les pertes de "ressources" que subissent les grandes villes et leurs agglomérations du fait de la crise. Lors d’une conférence de presse à Paris, le patron de la ville et de la métropole de Toulouse n’a pas précisé s’il visait les recettes de fiscalité, ou les recettes tarifaires, ou bien les deux. Mais c’est cette dernière option qui semble la plus probable. Sur le modèle du mécanisme que la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 a mis en place pour les départements, les grandes villes et leurs EPCI rembourseraient l’État, à partir du moment où ils retrouveraient le montant de recettes qu’ils percevaient avant la crise (sur ce dispositif, voir notre article du 7 septembre 2020).
"En 2020, nous arrivons à tenir le choc dans nos budgets, grâce à la gestion vertueuse que nous avons eue au cours des exercices passés, singulièrement celui de 2019. Mais nos collectivités empruntent plus et puisent dans leur épargne", a-t-il indiqué. La chute des recettes tarifaires - qui s’annonce durable, selon Jean-Luc Moudenc - et la contraction de plusieurs taxes locales risquent d’entamer la capacité d’autofinancement des territoires urbains. C’est donc leur capacité à financer des projets qui est menacée, à l’heure pourtant où le gouvernement donne le signal de la relance, avertit France urbaine.
À la veille de la crise : des territoires en bonne santé
La dernière loi de finances rectificative pour 2020 (LFR3) a pourtant prévu un mécanisme de compensation des pertes fiscales et domaniales des communes et de leurs intercommunalités. Un dispositif doté d’abord de 750 millions d’euros, et qui, à la faveur du plan de relance, doit atteindre 1,3 milliard d’euros. Mais les élus des grandes villes et de leurs groupements estiment que le dispositif bénéficiera essentiellement aux territoires ruraux et touristiques. Ils fustigent aussi "les incohérences" du mécanisme de compensation des pertes de recettes de versement mobilité, prévu également dans la LFR3. Les autorités organisatrices de la mobilité des métropoles de Toulouse et Lyon – qui ont un statut de syndicat mixte – vont en bénéficier. Mais parce que la métropole de Dijon, par exemple, organise elle-même les transports, elle en est exclue d’office, comme c’est le cas pour la majorité des agglomérations… Tout cela est "inique", dénonce le président de France urbaine. Tout en souhaitant une prolongation – au-delà de 2020 – des compensations accordées par l’État, Jean-Luc Moudenc appelle donc à "des corrections" dans le projet de loi de finances pour 2021, qui sera en discussion à l’automne.
La santé financière des groupements urbains et de leurs communes demeure bonne, confirme toutefois la cinquième édition du "portrait financier des territoires urbains" réalisée par la Banque postale collectivités locales (voir ci-dessous l’intégralité de cette étude). "Plus de la moitié" des 80 territoires urbains (groupements de plus de 150.000 habitants et leurs communes membres) présentent un délai de désendettement inférieur à 6 ans et "tous, sauf 3" ont eu, l’an dernier, une épargne nette positive, a souligné Luc-Alain Vervisch, directeur des études de l’établissement bancaire, qui présentait cet état des lieux ce 10 septembre aux côtés de Jean-Luc Moudenc. Dans le détail, l’épargne nette (c’est-à-dire après remboursement de la dette) s’est élevée en 2019 à 4,6 milliards d’euros. Elle a permis de financer les investissements, au côté des emprunts (7 milliards d’euros). "Il n’existe pas d’interrogation sur la capacité des territoires urbains à participer au plan de relance, en tout cas sur une période courte", en a-t-il déduit. Mais ces groupements et leurs communes, qui rassemblent près de 30 millions d’habitants, sont fragilisés par la crise comme les autres. Les activités économiques liées au transport, à l’hébergement et à la restauration, qui sont très affectées, sont particulièrement présentes sur leur sol. Ce qui aura des répercussions sur la fiscalité économique et la taxe de séjour.
Quelle visibilité budgétaire ?
Si la crise devait se prolonger, la capacité d’autofinancement des collectivités urbaines pourrait être amoindrie, comme le craignent leurs élus. "L’interrogation qui se posera un jour sur les modalités du redressement des comptes publics" ajoutera "un facteur d’incertitude", estime Luc-Alain Vervisch. De même que l’instabilité des règles fiscales, liée à la mise en œuvre de la suppression de la taxe d’habitation et à la réduction des impôts de production.
Cette dernière, qui sera inscrite dans la loi de finances pour 2021, suscite des sentiments mitigés chez les élus de France urbaine. Le dispositif de "neutralisation" de la réduction de moitié de la valeur locative des locaux industriels garantira une compensation dynamique aux communes et à leurs groupements. Mais, dans le même temps, leur pouvoir de taux sera amputé.
Au sujet du plan de relance dévoilé le 3 septembre, l’association affiche malgré tout des motifs de satisfaction. Elle réclamait que la priorité soit donnée à la transition écologique. En outre, la "territorialisation" du plan se traduira en espèces sonnantes et trébuchantes pour des projets décidés par les élus locaux, espère le président de Toulouse métropole.
L’élu a annoncé qu’il sera candidat à sa propre succession à la tête de France urbaine, lors du renouvellement des instances de l’association, qui aura lieu le 24 septembre prochain. "Je préconise que notre association soit toujours en dialogue avec les pouvoirs publics - quelle que soit la couleur du gouvernement - et n’adopte pas de postures liées au calendrier électoral, présidentiel notamment", a-t-il déclaré.
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